Le gouvernement fรฉdรฉral a signรฉ un accord avec l’Assemblรฉe des Premiรจres Nations la semaine derniรจre concernant le financement fรฉdรฉral du systรจme de protection de l’enfance des Premiรจres Nations – un dรฉtail important qui a รฉtรฉ omis du projet de loi C-92 de Trudeau. Le nouvel accord concrรฉtise les droits des Autochtones et s’ajoute au projet de loi C-92, qui vise ร rรฉduire le nombre de jeunes autochtones placรฉs en foyer et permet aux communautรฉs des Premiรจres Nations de crรฉer leur propre systรจme de protection de l’enfance.
Ce nouvel accord est pour ainsi dire tardif, compte tenu de la surreprรฉsentation des jeunes autochtones dans le systรจme de protection de l’enfance canadien, tant dans le passรฉ que dans le prรฉsent. En fait, au dรฉbut de cette annรฉe, l’Assemblรฉe des Premiรจres Nations a intentรฉ un recours collectif de 10 milliards de dollars accusant le gouvernement canadien de sous-financer le systรจme de protection de l’enfance des Premiรจres Nations au Yukon et dans les rรฉserves. Le recours collectif prรฉtend que le systรจme de protection de l’enfance du Canada est discriminatoire envers les enfants des Premiรจres Nations.
Le recours collectif de l’Assemblรฉe des Premiรจres Nations a mis en lumiรจre la discrimination systรฉmique du gouvernement fรฉdรฉral ร l’รฉgard des communautรฉs autochtones, par le biais d’un financement discriminatoire qui incite ร retirer les enfants autochtones de leurs familles.
En รฉcho ร des plaintes de discrimination antรฉrieures, une femme autochtone a rรฉcemment intentรฉ une poursuite contre les agences de services ร l’enfance et ร la famille du Manitoba, aprรจs que trois de ses enfants aient รฉtรฉ apprรฉhendรฉs par les services provinciaux de l’enfance en 2007. La mรจre a passรฉ des annรฉes ร essayer de rรฉcupรฉrer ses enfants, qui auraient รฉtรฉ maltraitรฉs dans des foyers d’accueil.
Le nouvel accord fรฉdรฉral devrait permettre de rรฉsoudre les problรจmes systรฉmiques de discrimination ร l’รฉgard des communautรฉs autochtones du pays. En effet, les jeunes des Premiรจres Nations sont actuellement surreprรฉsentรฉs dans le systรจme de protection de l’enfance, mais le Canada a รฉgalement une sombre histoire de discrimination et d’abus envers les enfants autochtones, qui remonte aux pensionnats et aux externats fรฉdรฉraux du Canada.
L’accord entre le gouvernement fรฉdรฉral et l’Assemblรฉe des Premiรจres Nations ne reprรฉsente pas seulement une tentative de remรฉdier ร la discrimination passรฉe, mais il renforce รฉgalement les droits des Autochtones protรฉgรฉs par la Constitution – des droits qui sont censรฉs empรชcher la discrimination et les abus qui ont marquรฉ l’histoire du Canada.
Droits des Autochtones
Les droits des autochtones sont des droits collectifs qui dรฉcoulent de l’utilisation et de l’occupation continues par les peuples autochtones de certaines rรฉgions datant d’avant la venue des Europรฉens. Bien que ces droits spรฉcifiques puissent varier d’une communautรฉ autochtone ร l’autre, ils comprennent gรฉnรฉralement des droits ร la terre, des droits aux ressources et activitรฉs de subsistance, le droit ร l’autodรฉtermination et ร l’autonomie gouvernementale, et le droit de pratiquer leur propre culture et coutumes, y compris leur langue et leur religion.
En 1982, le gouvernement fรฉdรฉral a inscrit les droits des Autochtones dans la section 35 de la Constitution canadienne et dans la section 25 de la Charte des droits et libertรฉs.
Article 35(1) : droits inhรฉrents
L’article 35(1) accorde la reconnaissance constitutionnelle des droits ancestraux inhรฉrents, des traitรฉs et des droits issus de traitรฉs. Il reconnaรฎt que les Premiรจres Nations ont une souverainetรฉ inhรฉrente, des droits inhรฉrents et le pouvoir d’autodรฉtermination. Les droits inhรฉrents font rรฉfรฉrence aux droits provenant de maniรจre innรฉe, plutรดt qu’accordรฉs par le gouvernement, et comprennent :
- les droits inhรฉrents ร la langue, ร la spiritualitรฉ et ร la culture ;
- les droits inhรฉrents ร l’รฉducation, aux services sociaux et ร la santรฉ ;
- les droits inhรฉrents ร la justice et ร l’รฉconomie ;
- les droits inhรฉrents ร la citoyennetรฉ/citoyens et au statut de membre ;
- les droits inhรฉrents ร la pรชche, ร la chasse, au piรฉgeage et ร la cueillette ;
- les droits inhรฉrents ร l’air et ร l’eau ;
- les droits inhรฉrents aux terres et aux ressources ; et
- les droits et pouvoirs inhรฉrents ร l’autodรฉtermination.
L’article 35(1) et (2) dรฉveloppe les obligations juridiques, politiques et fiscales fรฉdรฉrales en vertu de l’article 91(24) de l’Acte de l’Amรฉrique du Nord britannique de 1867. Cela signifie que le gouvernement fรฉdรฉral est tenu de respecter les droits inhรฉrents des Autochtones.
Article 35(2) : reconnaissance des peuples indiens, inuits et mรฉtis
L’article 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaรฎt constitutionnellement les diffรฉrents peuples des Premiรจres Nations du Canada. En outre, il prรฉvoit la reconnaissance de la citoyennetรฉ sous la forme d’une double citoyennetรฉ canadienne pour les Autochtones. Plus largement, l’article 35(2) รฉtablit un cadre juridique et politique qui reconnaรฎt les relations bilatรฉrales officielles entre la Couronne et les gouvernements autochtones.
Article 25 : garantie des droits des Autochtones
L’article 25 de la Charte canadienne des droits et libertรฉs garantit que les droits ne seront pas interprรฉtรฉs de maniรจre ร abroger ou ร dรฉroger aux droits ou libertรฉs ancestraux, issus de traitรฉs ou autres, des peuples autochtones.

Les pensionnats indiens du Canada
L’histoire de la discrimination ร l’รฉgard des jeunes autochtones au Canada s’illustre le plus clairement par les pensionnats indiens du pays. Les premiers pensionnats indiens sont crรฉรฉs en Nouvelle-France par des missionnaires catholiques dans le but dโoffrir des soins aux jeunes autochtones et de les scolariser. ร cette รฉpoque, cependant, le gouvernement colonial franรงais ne forรงa pas les Autochtones ร participer ร ces รฉcoles, car les Premiรจres Nations รฉtaient largement indรฉpendantes et les colons franรงais en dรฉpendaient รฉconomiquement et militairement.
Les pensionnats ont commencรฉ ร changer dans les annรฉes 1830, lorsqu’ils sont devenus partie intรฉgrante de la politique du gouvernement et de l’รglise, avec la crรฉation dโรฉtablissements anglicans, mรฉthodistes et catholiques romains dans le HautโCanada.
Les chefs autochtones espรฉraient que la scolarisation euro-canadienne aiderait leurs jeunes ร acquรฉrir les habiletรฉs de la nouvelle sociรฉtรฉ et de sโadapter ร un monde dominรฉ par des รฉtrangers. Avec le passage de l’Acte de l’Amรฉrique du Nord britannique en 1867 et la mise en ลuvre de la Loi sur les Indiens, le gouvernement a รฉtรฉ tenu de fournir une รฉducation aux jeunes autochtones et de les assimiler ร la sociรฉtรฉ canadienne. Contrairement aux espoirs des communautรฉs autochtones, le gouvernement fรฉdรฉral a soutenu la scolarisation afin de rรฉduire la dรฉpendance des Autochtones aux fonds publics. Les objectifs du gouvernement et des Premiรจres Nations รฉtant divergents, les pensionnats ont pris un visage sinistre, le gouvernement fรฉdรฉral collaborant avec les missionnaires chrรฉtiens pour encourager la conversion religieuse.
Cela a finalement conduit ร l’รฉlaboration d’une politique รฉducative aprรจs 1880 qui s’appuyait fortement sur les pensionnats et les externats fรฉdรฉraux.
Le gouvernement canadien a dรฉveloppรฉ une politique connue sous le nom ยซ d’assimilation agressiveย ยป, destinรฉe ร รชtre enseignรฉe dans les pensionnats gรฉrรฉs par les รglises et financรฉs par le gouvernement. Cette politique รฉtait motivรฉe par la conviction que la population autochtone du Canada รฉtait plus facile ร former dans l’enfance qu’ร l’รขge adulte. C’est ainsi que fut adoptรฉ le concept de ยซ pensionnat indienย ยป, considรฉrรฉ comme le moyen idรฉal de prรฉparer les jeunes autochtones ร la vie dans la sociรฉtรฉ canadienne.
Les pensionnats รฉtaient gรฉrรฉs par le gouvernement fรฉdรฉral, sous l’รฉgide du ministรจre des Affaires autochtones. La frรฉquentation des pensionnats รฉtait obligatoire pour les enfants des communautรฉs qui n’avaient pas les externats indiens fรฉdรฉraux. Des agents รฉtaient employรฉs par le gouvernement pour veiller ร ce que tous les enfants des Premiรจres Nations frรฉquentent les pensionnats ou les externats fรฉdรฉraux.
On estime qu’environ 1 100 รฉlรจves ont frรฉquentรฉ 69 รฉcoles fรฉdรฉrales dans tout le pays au dรฉbut des annรฉes 1880. En 1931, ร l’apogรฉe des pensionnats indiens, il y avait environ 80 pensionnats au Canada. En tout, environ 150 000 enfants autochtones, inuits et mรฉtis furent retirรฉs de leurs communautรฉs et de leurs familles et obligรฉs de frรฉquenter les รฉcoles fรฉdรฉrales.
Abus dans les pensionnats et les externats indiens
Les pensionnats et les externats fรฉdรฉraux ont รฉtรฉ crรฉรฉs en partant du principe que la culture autochtone ne pouvait pas s’adapter ร la sociรฉtรฉ canadienne. Le gouvernement pensait que les enfants des Premiรจres Nations pouvaient rรฉussir s’ils s’assimilaient ร la sociรฉtรฉ canadienne en adoptant la foi chrรฉtienne et en parlant l’anglais ou le franรงais. Par consรฉquent, les รฉlรจves รฉtaient dรฉcouragรฉs de parler leur langue maternelle ou de pratiquer les traditions autochtones. S’ils รฉtaient pris en train de contrevenir ร ces rรจgles sรฉvรจres et discriminatoires, ils seraient soumis ร des sanctions sรฉvรจres.
Les รฉlรจves des pensionnats vivaient dans des conditions austรจres et subissaient des sรฉvices physiques et รฉmotionnels. Ces derniรจres annรฉes, plusieurs employรฉs des pensionnats ont รฉtรฉ condamnรฉs pour agression sexuelle.
Les enfants autochtones qui frรฉquentaient les pensionnats รฉtaient sรฉparรฉs de force de leur famille, la plupart d’entre eux รฉtant scolarisรฉs dix mois par an. Certains รฉlรจves y restaient mรชme toute l’annรฉe. Une autre forme d’รฉloignement des jeunes autochtones dans les รฉcoles fรฉdรฉrales รฉtait l’obligation d’รฉcrire en anglais toute correspondance avec leur famille, ce qui signifiait que la plupart des parents ne pouvaient pas lire ou comprendre les lettres de leur enfant.
D’autres abus, qui n’ont รฉtรฉ rรฉvรฉlรฉs que rรฉcemment, ont pris la forme d’expรฉriences nutritionnelles menรฉes dans certains pensionnats indiens. Ces expรฉriences ont รฉtรฉ menรฉes sur des รฉlรจves mal nourris dans les annรฉes 1940 et 1950, avec l’autorisation du gouvernement fรฉdรฉral.
Les effets nรฉgatifs des pensionnats et des externats se sont fait sentir de diverses maniรจres sur les Premiรจres Nations du Canada. Lorsque les รฉlรจves rentraient chez eux, ils se rendaient souvent compte qu’ils ne faisaient pas partie de la communautรฉ. Les รฉlรจves n’avaient pas les compรฉtences nรฉcessaires pour aider leurs parents, et beaucoup avaient honte de leur hรฉritage. En outre, les compรฉtences enseignรฉes dans ces รฉcoles รฉtaient largement mรฉdiocres et nombre d’entre eux avaient beaucoup de mal ร fonctionner dans un environnement urbain.
En 2007, le gouvernement fรฉdรฉral a mis en ลuvre la Convention de rรจglement relative aux pensionnats indiens. Ce rรจglement a รฉtรฉ conclu entre les conseillers juridiques des anciens รฉlรจves, les conseillers juridiques des รglises, l’Assemblรฉe des Premiรจres Nations, d’autres organisations autochtones et le gouvernement du Canada. Elle visait ร apporter une solution juste et durable aux sรฉquelles des pensionnats indiens.
Plus de dix ans plus tard, en mars 2019, les anciens รฉlรจves des externats fรฉdรฉraux ont conclu un rรจglement de recours collectif avec le gouvernement fรฉdรฉral, qui prรฉvoyait l’indemnisation des victimes pour les sรฉvices subis pendant leur scolaritรฉ dans les externats fรฉdรฉraux.
Que pensez-vous du nouvel accord que le gouvernement fรฉdรฉral a signรฉ avec l’Assemblรฉe des Premiรจres Nations ? Faites-nous part de votre avis dans les commentaires ci-dessous !
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